Comment nous pouvons combler notre retard
 
Bien sûr, il faudrait d'avantage de PC qui fonctionnent et de professeurs bien formés. Mais, pour y arriver, les initiatives locales sont plus efficaces que les circulaires officielles. 

expérience des pionniers / équipement / maintenance / formation

Les expériences des pionniers 

Jean-Luc Muracciole a opté pour une solution radicale depuis cette rentrée, ses 60 élèves, de la seconde à la terminale, sont équipés d'un ordinateur. Ils se connectent ainsi sur le site internet qu'il a conçu avec ses collègues. " Nous mettrons petit à petit tout notre programme sur le Net ", explique ce prof de lettres de Reims, qui a créé, il y a dix-sept ans, un cycle spécial pour les lycéens dits " décrocheurs ", ceux qui ont lâché les études. Pour lui, cet équipement individuel est le seul moyen de garantir l'égalité des chances. Coût : 6 000 francs par PC, financés en partie par des entreprises locales.

Atypique, l'expérience de Jean-Luc Muracciole ? De moins en moins. Notre enquête sur l'état de l'informatique à l'école montre que, derrière les préjugés, faciles à constater, sur le sous-développement de notre enseignement vis-à-vis des nouvelles technologies, l'école high-tech commence à prendre forme. Le ministère a injecté deux fois 300 millions de francs de crédits dans la machine en 2000 et 2001. Les inspecteurs estampillés " TICE " (technologie de l'information et de la communication pour l'enseignement) ont tous reçu un ordinateur portable connecté au web. Deux mille écoles pilotes sont chargées de porter la bonne parole aux établissements voisins. Mais surtout, au-delà de ces décisions jacobines, émerge un foisonnement d'initiatives locales. 

Prenez le Net des cartables (cartables.net), un site conçu et mis à jour par trois enseignants, Béatrice Arnou, Patrick Goichon et Jean-Jack Rouvier (lire son témoignage). Il répertorie près de 2 000 écoles primaires disposant d'un site ou d'une connexion à f internet.

D'où viennent ces innovations tissées sur la Toile ? En  fait, avec le recul, le fameux "Plan informatique pour tous " (PIT) de 1985 n'a pas été si néfaste. Les fonctionnaires l'appellent le PID (paysage informatique désolé), en souvenir des 10 000 ordinateurs distribués dans les écoles et qui ont fini dans les placards.  (*) Certains sites comme ceux de La Rochelle (http://perso.wanadoo.fr/ la-rochelle-ecole-barthelemy-profit) ou de l'île de Hoëdic( http:// perso.infonie.fr/ecohoedic) valent le détour
Mais tous les profs, qui se démènent aujourd'hui sur la Toile, savent ce qu'ils lui doivent."C'est lui qui nous a mis le pied à l'étrier", affirme Alain Gurly, enseignant documentaliste dans un collège à La Grand'Combe, dans le Gard, qui apprend aux élèves à mener des recherches sur l' intemet. Une génération s'est formée, il y a quinze ans, pendant ses vacances, et c'est elle qui fait vivre aujourd'hui l'informatique à l'école, bidouillant les connexions, récupérant les vieilles machines et se tenant à l'affût d'une bonne idée pédagogique.

Le problème, aujourd'hui, est que les pionniers sont fatigués. " Je veux bien y passer soixante-dix heures par semaine, mais pas plus", sourit Thierry Lacheray, l'un des initiateurs du village interactif d'Anvie la Corbeline (lire). Comment faire pour que les autres profs prennent le relais ? Et pour que, dans la bureaucratie de l'Éducation nationale, les quelques centaines d'expériences pilotes se généralisent aux 52 000 écoles, 5 000 collèges et 2 500 lycées, le tout sans casser l'esprit d'initiative ni rééditer les erreurs du PIT? Les technoprofs de terrain et les spécialistes que nous avons interrogés disent qu'il faudrait, pour y arriver, satisfaire à trois conditions: disposer de machines en nombre suffisant, d'équipements qui fonctionnent et de gens qui sachent les utiliser.

L'équipement : en finir avec " la salle d'informatique pour tous " 

Côté équipement, la France a fait de gros progrès (lire les chiffres) Mais elle vient de tellement loin... La moitié sans doute des écoles primaires ne sont pas encore connectées. Or, c'est par elles que commence une bonne alphabétisation informatique. Par ailleurs, les disparités sont énormes d'une région et d'un établissement à l'autre. Les investissements en matériel sont en effet décidés, pour les lycées, par le conseil régional, pour les collèges par le conseil général et pour les écoles par les mairies. À Paris, le ministère ne peut que "donner des impulsions", pas décider. Résultat en banlieue parisienne, la ville d'Issy les-Moulineaux a équipé et connecté toutes ses écoles, tandis que de l'autre côté de la Seine, à Boulogne, seuls deux établissements sont reliés à l'internet, à titre expérimental.

Les machines, en nombre insuffisant, ne sont pas, de surcroît, installées au bon endroit. Les spécialistes affirment qu'une bonne intégration de l'informatique dans la pédagogie passe par la présence d'un ou de deux PC dans chaque classe, plutôt que par l'équipement d'une salle d'informatique en libre-service.

Mais cette solution coûte cher. Les mairies préfèrent les salles spécialisées, d'autant qu'elles peuvent les amortir le soir et pendant les vacances en les louant à d'autres publics. Les écoles rurales profitent du système, car elles possèdent souvent des classes uniques; mais, ailleurs, les élèves ont accès à la salle en moyenne une heure par semaine. Insuffisant, surtout s'ils n'ont pas de PC chez eux.

La maintenance: créer des hot-lines pour les écoles

" Les profs sont intéressés par les nouvelles technologies, soutient Alain Gurly, le documentaliste du collège de La Grand'Combe, dans le Gard. Mais ils veulent du matériel qui ne les laisse pas tomber au milieu d'un cours! "

" Il y a quatorze ordinateurs dans notre école, décrit une institutrice de CE 1 de la région parisienne. Comme plusieurs sont en panne, j'ai passé plus de temps à résoudre des problèmes matériels qu'à les utiliser. J'ai mis deux élèves par poste, puis trois, mais ça n'allait toujours pas... Alors j'ai renoncé. "

Un casse-tête, ces problèmes de maintenance. Jusqu'à l'an dernier, Alain Gurly, un as de la souris, se chargeait des répations et des amélioations. Puis, il a  passé la main à un
aide-éducateur en "emploi-jeune" (*). Ailleurs, ce sont des parents qui jouent les pompiers. "les établissements qui viennent de s'équiper n'ont pas encore de soucis, résume
(*) Ces emplois destinés aux 18-30 ans qui travaillent dans le secteur  public ou associatif peuvent
aider à développer l'informatique à l'école
encore AlainGurly. Mais pour nous qui avons reçu nos 60 ordinateurs il y a cinq ans, c'est ingérable. Notre conseil général a décidé de ne rien renouveler avant deux ans. Résultat: j'ai des machines obsolètes. " Les pionniers ont punis ... La bonne solution, conviennent les spécialistes, serait de renouveler le matériel par tranches tous les trois ans.

La formation: arrêter de décourager les " mordus " 

Près de la moitié des profs (48 % selon le ministère) disposent d'un ordinateur chez eux.

 Mais, pour se former, ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes ou sur leurs enfants. Dans le cursus de formation d'un enseignant, l'informatique ou l'internet sont obligatoires, mais laissés à la bonne volonté des IUFM. (*)
(*) les IUFM (instituts universitaires de formation des maîtres) assurent la formation initiale des futurs profs

Résultat: à Lyon, les élèves-enseignants passent un test d'informatique en début d'année pour évaluer leur niveau et suivent, le cas échéant, une formation; mais, dans d'autres instituts, rien de tel n'est prévu.

Quant à la formation continue, elle est du ressort des recteurs. " Il faut qu'ils gèrent des priorités multiples ", reconnaît un membre de la direction de la technologie, au ministère de l'Éducation nationale. Traduction: ils doivent arbitrer entre les urgences : l'apprentissage de l'informatique contre, par exemple, celui des langues à l'école primaire, autre priorité du ministre. Malgré les crédits distribués, les stages de formation en informatique sont insuffisants (lire le témoignage de Jean Jck Rouvier). Le fossé se creuse donc entre la majorité des profs et les pionniers qui, eux, ont investi du temps, à titre personnel, pour se former.

Pourtant, Rémy Guelton, instituteur en CM 2 à l'école Voltaire d'Issy (lire) est persuadé qu'il en faudrait " très peu pour que ça marche ". Lui-même a consacré un après-midi à former ses collègues pour leur apprendre les manipulations de base. Depuis, ils utilisent la salle d'informatique dans l'école.

À Caen, le chercheur Thierry Piot, lui aussi, est optimiste. Pour lui, les multiples initiatives individuelles ont plus de chances de réussir que le fameux plan informatique de 1985. " L'internet échappe au jacobinisme; un collègue, un ami qui vous conseille et ça fait tache d'huile. " Par ailleurs, les machines, plus conviviales, offrent de nouvelles possibilités. On fait de la correspondance scolaire via l'e-mail,du traitement de texte sur Word, de la recherche documentaire sur le Net. Et on a laissé tomber les rêves de l'EAO, l'enseignement assisté par ordinateur.

Bref, le pragmatisme et le système D produisent de meilleurs résultats que les usines à gaz théoriques. Rendez-vous pour un premier bilan en juin 2003. À cette date, les élèves de CM 2 et de 3e devront satisfaire aux épreuves du premier brevet informatique et internet, le B2i, que le ministère vient d'instituer. On verra combien d'enfants réussiront cet exam high-tech. Et combien de proviseurs sauteront si les enfants ratent leur épreuve à cause d'un PC qui " plante " ou d'une connexion défaillante !

Marie-Madeline PERETIE pour Newbiz 

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 Source : Newbiz septembre 2001 

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 Dernière mise à jour :  samedi 21 décembre 2002