Agités, turbulents, incapables de rester en place
: 300 000 enfants souffrent de ce qu'on appelle l'hyperactivité.
Les aidons-nous vraiment ?
|
|
Ils
ne tiennent pas en place, parlent sans cesse, ont du mal
à se concentrer à l'école, cassent des objets - se
blessent souvent - et, parfois, piquent de violentes colères...
Ces
enfants, qui paraissent très turbulents, souffrent en
fait d'une vraie maladie, très pénible à vivre pour
eux et leur famille.
L'hyperactivité
touche environ un enfant par classe, et quatre fois plus
de garçons que de filles. |
 |
Un
remède est arrivé en France à la fin des années 90 :
la Ritaline. Hélas, ce médicament souffre d'une
mauvaise réputation. Ajouté au fait que nous manquons
de médecins spécialistes de l'hyperactivité, cela
explique que ces enfants ne soient pas toujours soignés
comme il le faudrait... et que leurs parents soient en
plein désarroi ! |
|
|
Une maladie très pénible au quotidien |
|
|
 |
«
Quand Michel était petit, il fallait, à chaque repas, que je protège tout ce qu'il y avait dans la cuisine. Car quand il prenait sa cuiller, il faisait voler toute la nourriture et transformait la pièce en
véritable champ de bataille ! Après, je devais nettoyer toute la cuisine. Lui donner à manger, c'était vraiment toute une
histoire ».
Comme le raconte Juliette, vivre avec un enfant hyperactif, c'est
« toute une histoire » à chaque moment de la vie quotidienne, car on ne peut pas relâcher son attention devant une petite personne constamment agitée et, surtout, inconsciente du danger.
« Je devais être tout le temps derrière Michel, parce qu'il escaladait tout ce qu'il voyait: les chaises, les meubles, etc., sans maîtriser ses
gestes, poursuit Juliette. D'ailleurs, il a eu trois fois le
bras dans le plâtre ! II a même réussi à s'ouvrir le front et se casser des dents dans la
baignoire ! » |
Une agitation qui se manifeste aussi par des cris -voire des colères impressionnantes-contre les autres : les frères et sueurs, les parents ou les copains de classe.
« Dès ses 2 ans, Grégoire était d'une violence incroyable; il tapait sur tout ce qui bougeait.
Il frappait tout le monde dans la cour de récré ! Alors, on m'appelait sans cesse pour que je constate ce qu'avait fait mon fils », se rappelle Pascale, maman de cet enfant devenu un ado de 14 ans. |
De la peur et de la honte.. |
«
Jusqu'à ce que Michel aille à l'école, je pensais être une mauvaise mère, avoue Juliette.
Je me disais que je ne savais peut-être pas m'y prendre pour qu'il m'obéisse ou pour le calmer. C'était mon premier enfant et je n'avais donc aucun point de comparaison. Mais, un jour, à l'entrée en CP, sa maîtresse m'a convoquée pour me dire qu'il était anormalement turbulent. C'est alors que je me suis dit que le problème venait de lui et pas de moi. »
II n'empêche, même si on surmonte cette peur d'être de mauvais parents, il faut ensuite faire face au regard des autres.
« Quand ma fille fait une crise, elle est dans une telle rage que je ne peux ni lui parler ni la
toucher : ça ne la calme pas, au contraire ! Quand ça se passe dans la rue, les gens ne comprennent pas que je reste sans intervenir. Alors, ils se permettent de dire
«
Une bonne fessée, ça lui ferait du
bien », sous-entendu «
Vous ne savez pas éduquer votre
enfant». Alors là, je me sens seule au monde, honteuse, humiliée... », avoue Nathalie. |
On
manque encore de médecins spécialisés |
«
En France, l'hyperactivité avec déficit d'attention souffre d'un sous-diagnostic, car nous manquons de médecins formés pour détecter et soigner cette maladie », constate l'association de parents d'enfants hyperactifs,
HyperSupers-Thada.
Du coup, parmi les 200 000 à 300 000 enfants hyperactifs, seule une petite minorité a été diagnostiquée.
Faute d'un nombre suffisant de spécialistes, les parents, et surtout leurs
enfants, en pleine souffrance, attendent des mois durant un rendez-vous...
Autre problème : nos médecins qui prennent en charge nos enfants sont soit neurologues, soit psychiatres ; or, pour bien soigner cette maladie (problème neurologique entraînant un problème psychiatrique, à travers la dépression), il faut des connaissances dans ces deux disciplines.
Heureusement, les choses évoluent. « Dans certains services hospitaliers,
pédiatres, pédopsychiatres, orthophonistes, psychomotriciens, psychologues et neurologues travaillent ensemble : l'idéal pour bien diagnostiquer l'hyperactivité et bien prendre en charge les enfants», constate l'association HyperSupers. |
Un
remède ... de mauvaise réputation |
L'hyperact!vité bénéficie d'un remède, la Ritaline. Ce médicament est réputé avant tout pour son efficacité contre les symptômes de la maladie... mais aussi pour la consommation excessive qu'en font certains Américains !
En effet, aux États-Unis, quasiment un enfant sur dix prend ce traitement! Or, on sait que
l'hyperactivité ne touche en réalité que 3 à 5 % des écoliers. En fait, certains parents américains se servent de la Ritaline pour rendre la vie à la maison plus supportable et leurs enfants bien sages, alors qu'ils ne sont aucunement hyperactifs ! Souvent, ils agissent sous la pression des enseignants, peu tolérants à l'égard des marmots trop turbulents !
Ces excès sont tels que des parents et des médecins ont tiré la sonnette d'alarme... Ainsi, dans l'État de Géorgie, à la suite de plusieurs plaintes, le département de l'Éducation a fini par demander officiellement
aux écoles de « trouver d'autres moyens que la Ritaline pour contrôler les élèves » ! |
En France, la situation est complètement différente. Des centaines de parents, un peu comme les Américains, veulent à tout prix donner de la Ritaline à des enfants qui ne souffrent absolument pas d'hyperactivité, et pour lesquels une psychothérapie serait bien mieux adaptée.
Mais, à l'inverse, des milliers de bambins hyperactifs sont privés de ce médicament parce que leurs parents ne sont pas informés ou refusent de leur en donner.
« En effet, de très nombreux parents sont opposés à ce que leurs enfants prennent de la Ritaline, même si c'est nécessaire, car ils ont entendu parler des excès aux Étas-Unis », explique la psychologue Béatrice
Copper-Royer. |
La
Ritaline, médicament miracle ?
La Ritaline n'est pas une solution miracle.
En stimulant une partie du cerveau, selon le même principe qu'un stupéfiant, ce médicament fait disparaître des symptômes de l'hyperactivité, mais sans les guérir : en cas d'arrêt du traitement, les signes reviennent en quelques heures. En outre, la molécule n'agit pas sur toutes les personnes diagnostiquées comme hyperactives.
Enfin, les contraintes du traitement sont nombreuses. En France, la prescription de Ritaline, autorisée depuis 1996, est réservée aux enfants de plus de 6 ans et ne peut être décidée pour la première fois et renouvelée tous les ans que par un médecin hospitalier. Le malade doit prendre plusieurs cachets par jour.
|
|
Cette mauvaise réputation est telle que même les parents qui donnent de la Ritaline à leurs enfants,
comme Éva, mère de Benjamin et Léo, souffrent du jugement des autres.
« Sans médicament, mes fils sont malheureux et certains de connaître l'échec au collège. J'en ai donc parlé aux professeurs et aux autres parents, librement. Mais ils pensent que je fais cela pour mon confort, ils croient que je drogue mes enfants. Alors, je n'en
parle plus. »
Et pourtant, « il n'y a pas de meilleure solution que la Ritaline quand l'enfant devient incontrôlable et que la famille est en grande souffrance «
, soutient l'association HyperSupers.
lire
aussi : l'hyperactivité,
comment la soigner |
«
Mon fils a pris confiance en lui » (Christine, maman de Raphaël, 17 ans)
« Le premier jour où il a pris de la
Ritaline, Raphaël est rentré à la maison tout heureux, en s'exclamant Pour la première fois de sa vie, il m'a raconté sa « Maman, je n'ai pas perdu mon
cartable ! J'ai enfin pu écouter complètement le professeur! » journée à l'école. Avant, cela lui demandait un effort surhumain. Grâce à ce traitement, Raphaël a pu m'avouer combien il avait souffert de son inattention, et de ce sentiment d'être toujours décalé en classe. Mais la Ritaline n'a pas changé sa personnalité pour autant. Même s'il peut davantage se concentrer, mon fils a toujours peur de faire des fautes en classe et d'oublier des affaires. II est toujours très stressé. Mais l'important, c'est qu'il a une meilleure estime de lui-même. »
|
À l'école, ça se passe très mal |
«
Mon fils Mathieu possède un CI bien supérieur à la normale. Et pourtant, il a deux ans de retard et a déjà été renvoyé de deux collèges. Les professeurs ne le supportaient pas... » se désole Caroline.
« Ils ne cessaient de me convoquer pour se plaindre de ses retards, de ses oublis et de son agitation. Je leur ai expliqué sa maladie. Mais ils refusaient de le considérer comme un élève à part. Au bout de trois avertissements, il a fallu changer de collège... » Aujourd'hui, Mathieu est dans un troisième établissement,
« mais il va falloir l'orienter », regrette Caroline.
Comme ce jeune adolescent de 15 ans, beaucoup d'enfants hyperactifs sont en échec scolaire. La faute à une incapacité de se concentrer plus d'un quart d'heure, une
demi-heure ou deux minutes selon les individus. « Mon fils écoute le prof en classe, mais il peut être instantanément attiré par le bruit du stylo de son voisin qui tombe par terre, puis il regarde par la fenêtre et son esprit
divague, explique Christine, maman d'un Raphaël de 17 ans.
Et puis, comme il sait qu'il est très distrait, il a tout le temps peur d'oublier quelque chose, sa calculette ou son stylo-plume, par exemple. C'est pourquoi il fouille son cartable de façon répétitive, avec une anxiété qui ne le quitte jamais. En plus, il fait des fautes d'inattention : il peut confondre un signe + avec un - dans une opération, par exemple. Et c'est dur pour lui d'aller jusqu'au bout d'un exercice... » Bref, les mauvaises notes tombent vite. Et le sentiment d'être « nul » encore plus vite... |
Il a «
envie » de mourir
! |
«
Notre fils voit bien qu'il nous épuise, nous ses parents, puisqu'on est obligés de râler tout le temps contre son désordre, ses oublis, etc. À force, aussi, d'entendre les reproches des enseignants, il sait qu'il n'entre pas dans le moule et, donc, se sent à
l'écart », avoue Micheline.
À la longue, la dépression n'est jamais loin, et, parfois, le pire non plus...
« Un jour, Simon s'est gravement disputé avec un camarade de classe. Ce dernier avait fait seul un travail qu'ils devaient faire à deux, parce qu'il n'avait pas confiance en Simon, trop distrait à son goût. Sur le chemin du
retour, mon fils a répété dix fois à son père : "Je suis nul, je ne vaux rien, je vais me suicider!" Mon mari est resté une heure auprès de lui à le réconforter, le temps que cette crise passe. Mais je sais que, pour de nombreux enfants hyperactifs, la vie est si dure qu'ils ont parfois envie de se jeter par la fenêtre... » raconte Micheline.
« Je connais plusieurs parents qui ont décroché leur enfant du bout d'une corde», ajoute Christine, présidente de l'association de parents d'enfants hyperactifs
HyperSupers-Thada.
|
Hyperactif
... ou simplement turbulent ? |
L' hyperactivité est très difficile à diagnostiquer. Pas simple, en effet, de distinguer un hyperactif d'un enfant simplement turbulent.
« En fait, il y a autant de différence entre les deux qu'entre un "obèse" et un "gros" », explique Christine
Gétin, présidente de l'association HyperSupers.
Il n'empêche, seuls des spécialistes peuvent faire le diagnostic, grâce à un long examen psychologique, réalisé notamment en interrogeant l'enfant, ses parents et ses enseignants. Pour être reconnu hyperactive, la personne doit réunir plusieurs des symptômes suivants.
En premier lieu, les hyperactifs possèdent une activité physique très agitée. Ils sont, par exemple, incapables de rester assis, ou bien leurs bras et leurs jambes sont toujours en mouvement, etc.
Deuxième type de signes
distinctifs : l'impulsivité. Impossible pour ces enfants d'attendre dans une queue de cinéma.
« II faut qu'ils aient tout, et tout de suite, précise Christine
Gétin. Au point qu'ils répondent parfois avant la fin d'une question. Par exemple, si je dis à mon fils
: Va chercher ... il est déjà au bout du couloir avant que j'aie pu ajouter
... la casserole ! »
Enfin, les enfants hyperactifs se distinguent par diverses formes d'inattention.
« Quand on leur parle, ils n'ont jamais l'air d'être là. Et puis, ils n'arrivent jamais à s'organiser, que ce soit pour faire leurs devoirs à temps, ou pour ranger leurs affaires. De manière générale, ils réagissent comme si leur cerveau était sollicité constamment par tout ce qui se passe autour d'eux sans pouvoir se concentrer sur une seule chose
», explique Christine Gétin.
Même si on connaît les symptômes, encore faut-il savoir d'où ils viennent. Sur ce point, nos médecins ne sont pas d'accord ! En effet, pour certains, l'hyperactivité est un dysfonctionnement du cerveau, c'est
une maladie en soi. Ils s'interrogent même sur le fait de savoir si elle n'a pas des causes génétiques, puisque de nombreux parents d'enfants hyperactifs le sont eux-mêmes. Pour d'autres médecins, les enfants hyperactifs expriment en fait une grande souffrance psychologique, qui est souvent liée à un traumatisme vécu dans la petite enfance, comme une séparation, un deuil, un déménagement..
Tous les spécialistes s'entendent cependant sur un point : ces petites personnes, voire leur famille, doivent absolument bénéficier d'un suivi psychologique pour apaiser leurs souffrances.
|
Comment
réagir face à un enfant très agité ? |
Si votre enfant présente un certain nombre des symptômes de cette maladie, n'hésitez pas à en parler à votre pédiatre. Mais n'en concluez pas d'avance que s'il est turbulent et en difficulté à l'école, il est hyperactif. Encore une fois, seuls des spécialistes aguerris peuvent faire le juste diagnostic.
Vous pouvez aussi contacter des associations :
HyperSupers - Thada
France, 2, sentier de la Fontaine, 77160 Provins, tél. : 06 19 30 12 10.
Site Internet : www.thada-france.org
Cette association vous donnera des conseils et des adresses. Elle propose également de participer à des groupes de parole.
SOS je bouge trop, 72, rue de la Mairie, 59283
Moncheaux, tél. : 03 27 80 23 30.
Merci également à Franck Zigante, pédopsychiatre
à l'hôpital Necker, à Paris. |
Source
:
maxi
du 27 janvier 2003
|