Où en sommes-nous aujourd'hui ? |
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Rappel
des objectifs :
« La Nation se fixe comme objectifs de conduire d'ici dix ans l'ensemble d'une classe d'âge au minimum au niveau du certificat d'aptitude professionnelle ou du brevet d'études professionnelles et 80 au niveau du baccalauréat ». Les sorties sans qualification n'ont pas été totalement supprimées et elles représentent encore 7 à 8 % d'une génération. Elles concernent très majoritairement des jeunes issus de milieux très défavorisés. Si l'on s'en tient à la définition de la non qualification, c'est à dire la sortie avant la dernière année de CAP ou de BEP, on est passé de 1990 à 2001 de 82 000 à 60 000 sorties annuelles. L'objectif de la loi n'a donc pas été atteint, mais il faut mesurer le chemin parcouru en trente ans : au début des années 1970, c'était près d'un élève sur trois qui était considéré comme sortant sans qualification. Ce chiffre de 60 000 est en tout état de cause trop élevé. Tout doit être mis en oeuvre pour le réduire et l'objectif de la loi maintenu, même s'il constitue un idéal qu'aucun système éducatif n'a pu atteindre. Le Haut Conseil tient à rappeler avec force qu'aucune qualification ultérieure ne peut être sérieusement construite sur une formation initiale, insuffisante. Le Haut conseil signale par ailleurs que la définition française de la non qualification devrait être précisée afin d'éviter bien des confusions (1). En adoptant la nomenclature internationale (Classification Internationale Type de l'Education-97), on peut dire aujourd'hui (chiffres de 2001) que 15 % d'une génération environ ne valide pas son passage dans le second cycle de l'enseignement secondaire (elle n'obtient donc ni un CAP ou un BEP, ni un baccalauréat) contre une moyenne de l'ordre de 18 % pour l'ensemble des pays de l'OCDE (7 % au japon, 28 % aux Etats-Unis). Ce chiffre donne une image plus exacte de la population en échec à la sortie du système.
Après une très forte progression de 1985 à 1995 qui a conduit, durant l'année 1994-95, 71.2 % de la classe d'âge au niveau du baccalauréat, soit à moins de dix points de la cible (63.2 % de cette même classe d'âge obtenant le diplôme lui-même), la croissance s'est brutalement arrêtée et les taux apparaissent aujourd'hui stabilisés autour de 69 % pour le niveau bac et de 62 % pour l'obtention du diplôme. Après la progression rapide, le système s'est installé depuis les années 1997-1998 dans une apparente stagnation dont il faudra bien analyser les causes et qui, à ce jour, n'a pas suscité de réactions satisfaisantes de la part de l'institution. Taux de bacheliers par génération et taux d'accès au niveau bac.
Les chiffres ci-dessus montrent une baisse significative des taux de bacheliers généraux par génération (de l'ordre de 5 points), correspondant à un retour de dix ans en arrière (en 1992, 32,4 % des jeunes Français obtenaient un baccalauréat général), une stabilité pour les bacheliers technologiques et une poursuite de la progression, mais ralentie, pour les baccalauréats professionnels. Ce changement de tendance du milieu des années 1990 est né d'une baisse des taux de passage de la classe de 3ème du collège vers la classe de 2ème du lycée général et technologique, apparue au début des années 1990. Les difficultés actuelles trouvent donc leur source non seulement au lycée mais également en amont, au collège et à l'école. Elles trouvent aussi leur source en dehors de l'Ecole. Avant d'aller plus loin, la première question à se poser est de savoir si cet état actuel, en apparence stable, est acceptable tant du point de vue de la démocratisation nécessaire que des besoins connus à court et moyen termes. La progression des « dix glorieuses » (1985-1995 ) a réduit le différentiel existant entre la probabilité d'obtenir un baccalauréat suivant que l'on est issu d'un milieu favorisé (cadre) ou au contraire du monde ouvrier. Aujourd'hui, 87 % des enfants de cadres supérieurs obtiennent le baccalauréat contre 45 % des enfants d'ouvriers non qualifiés. Cet écart reste important, mais très inférieur à ce qu'il était au début des années 80 où ces taux étaient respectivement de 75 et de 20 %. On est donc passé en 20 ans d'un rapport d'un enfant d'ouvrier à près de quatre enfants de cadre à un rapport d'un pour deux; les inégalités se sont donc réduites. Mais au-delà de la différence de chance d'obtenir le baccalauréat, c'est la nature même du baccalauréat obtenu qui n'est pas identique selon l'origine sociale : pour les enfants de cadres supérieurs, la répartition par génération entre les trois types de baccalauréats, général, technologique et professionnel, est respectivement de 71 %, 12 % et 4 %, alors que cette répartition pour les enfants d'ouvriers est de 16 %, 16 % et 13 %. Ces différences très sensibles ont bien évidemment des conséquences lourdes en termes d'insertion mais surtout de poursuites d'études supérieures. Quels sont les besoins de l'économie en niveaux de qualification ? L'estimation de ces besoins est toujours un exercice difficile tant les hypothèses sont nombreuses. Depuis les années 80, le ministère de l'éducation nationale demande à intervalles réguliers au BIPE de tenter, au travers de divers scénarii, d'estimer les besoins à moyen terme de notre pays selon les niveaux de sorties du système éducatif. Ces travaux ont déjà nourri le débat (ils ne sont pas étrangers à la fixation des objectifs de la Loi d'orientation) et ils se sont affinés avec le temps. L'examen des différents scenarii établis pour 2010 à partir de diverses hypothèses sur la croissance et le comportement des entreprises (notamment la part accordée aux promotions internes), fait apparaître une grande réactivité aux niveaux de qualification le plus haut et le plus bas : les écarts les plus importants entre scenarii se situent, d'une part, pour les sorties au niveau bac+3 et plus, et d'autre part, pour les sorties au niveau du diplôme national du brevet ou rien. Mais une conclusion simple peut être tirée : dans tous les scenarii, la nécessité d'augmenter les sorties avec un diplôme d'enseignement supérieur est incontournable et les sorties infra-baccalauréat doivent encore être réduites. La plupart des scenarii conduisent à estimer à 70 % d'une génération la proportion de bacheliers nécessaire pour l'année 2010 (contre 61 % aujourd'hui) et à 45 % d'une génération celle des diplômés de l'enseignement supérieur (contre 38 % aujourd'hui). A l'opposé, les sorties infra-baccalauréat ne devraient pas excéder 30 % d'une génération. Les futurs bacheliers de 2010 sont, cette année, entrés en classe de 6ème et les futurs diplômés de l'enseignement supérieur de 2010 sont déjà à la fin du collège ou au lycée.
Avec 61 % d'une génération accédant au baccalauréat, nous sommes en 2001 juste dans la moyenne des pays de l'OCDE (62 % pour l'ensemble de ces pays); mais avec 37 % d'une génération obtenant un BEP ou un CAP (dont la moitié en reste à ce niveau) nous sommes très au-dessus de la moyenne OCDE qui est de 9 %. Ainsi, contrairement à une idée reçue, nous ne formons donc pas plus de jeunes susceptibles d'accéder à l'enseignement supérieur que les autres pays, mais nous formons beaucoup plus de diplômés du premier niveau de qualification. A partir de l'instant où le système scolaire semble s'installer durablement dans un état qui n'était pas souhaité par le pouvoir politique et qui ne correspond pas aux besoins sociaux et économiques, c'est l'ensemble de notre dispositif qui doit être interpellé. (1) 60 000 sorties sans qualification, 94 000 sorties sans diplôme; les deux nombres ne s'additionnent pas et le premier n'est pas totalement inclus dans le second. Si on ne possède pas le baccalauréat, dans la nomenclature française, on peut être un diplômé non qualifié ou un qualifié non diplômé. |
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Dernière mise à jour : dimanche 25 janvier 2004 |