Suicide : détecter le mal-être des jeunes 
 
Huit cents jeunes se suicident, chaque année ,en France. Le chiffre pourrait diminuer si le
 sujet n'était plus perçu comme un tabou. Changement de comportement, troubles de l'alimentation ... certains signes doivent alerter les parents
« Elle avait des bonnes notes, elle était entourée d'amis, elle semblait heureuse ». Pourtant, Magali, 15 ans, s'est suicidée, une nuit, juste au-dessus de la chambre de ses parents. Ils n'ont rien vu venir. Ce n'est qu'après, en lisant son carnet intime, qu'ils ont compris. Deux ans auparavant, la jeune adolescente était partie en colonie. Durant le séjour, il y avait eu trois tentatives de suicide. L'équipe d'animation ayant voulu étouffer l'affaire, aucun suivi psychologique n'avait été mis en place. Bouleversée, Magali a gardé sa souffrance pour elle. Aujourd'hui, ses parents se sentent coupables. Coupables de ne pas s'être inquiétés, malgré ses fugues nocturnes.

Ce témoignage recueilli par l'association Phare enfants-parents illustre bien le sentiment de culpabilité partagé par de nombreux parents. Car près de 800 jeunes de moins de 24 ans se suicident, chaque année, en France. La deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans, après les accidents de la route. Quant aux tentatives de suicide, dans cette même tranche d'âge, elles ne cessent d'augmenter. Les derniers chiffres de l'lnserm, publiés en 1998, font état de 50 000 tentatives chaque année. Elles se lisent comme une carte météo, avec des chiffres élevés dans le nord de la France.

Toutes les familles peuvent être confrontées au suicide d'un enfant. Selon la psychanalyste Marguerite Charazac-Brunei, il existe un point commun entre les familles concernées : l'absence de dialogue.

Quand leur enfant va mal, les parents ne savent pas toujours comment lui parler, parfois ils ne cherchent même pas à comprendre son mal-être, écartent le souci en lançant :
« C'est la crise de l'adolescence ; ça lui passera. » ils ne s'imagineront jamais que leur enfant puisse aller mal au point de vouloir mourir. Pourtant, une fois confrontés au suicide, ils se sentent coupables de n'avoir pas entendu les cris de détresse que leur a adressés leur enfant. 

« Les jeunes suicidants envoient toujours des signaux d'alerte, dans les trois mois précédant le drame, souligne Marguerite Charazac-Brunei. Des petites phrases du style : "Bientôt, je ne vous embêterai plus" ou "Tout ce que je veux, c'est dormir le plus longtemps possible" . Il ne faut pas les prendre à la légère. Et, contrairement aux idées reçues, ce n'est pas parce que votre enfant en parle qu'il ne passera pas à l'acte. »

Outre ces alertes, d'autres signes avant-coureurs : l'isolement, le désintérêt scolaire ou, au contraire, le surinvestissement, la boulimie, l'anorexie, la violence, les conduites à risques (alcool, drogue), les fugues sont autant de facteurs qui doivent retenir l'attention des parents. 

S'ils repèrent un ou plusieurs de ces signes et si leur intuition leur fait craindre un profond mal-être, les parents doivent réagir. Surtout pas en lui faisant la morale, mais en essayant de comprendre sa souffrance, en exprimant leurs inquiétudes. 

« Nous recevons beaucoup d'appels de parents qui n'osent pas parler du suicide à leur enfant, regrette Pierre Satet, président de l'association Suicide écoute. Comme s'ils avaient peur que le fait d'aborder le sujet donne des idées à leur enfant. Mais aussi, parce que le suicide est vécu comme une honte dans notre société. D'ailleurs, les médias préfèrent utiliser l'expression "se donner la mort", tandis que le corps médical emploie le terme d'"autolyse". Si l'on veut que les chiffres du suicide baissent, il faut commencer par faire voler en éclats ce tabou !  »

Biblio 

Prévenir le suicide, clinique et prise en charge, Marguerite Charazac-Brunel, Dunod, 2002, 26 €.

l'Adolescent suicidaire, Xavier Pommereau, collection Enfances, Dunod, 2e édition, 2001, 23 €.

Difficile adolescence, signes et symptômes de mal-être, édité par Phares enfants-parents, Paris, 2002, 22 €.

Pour aider les parents à prévenir le suicide, des groupes de parole ont été créés. Au centre Abadie, unité médico-psychologique de l'adolescent et du jeune adulte située à l'hôpital de Bordeaux et dirigée par le Dr Xavier Pommereau, ils sont une quinzaine, parfois plus, à se réunir tous les quinze jours. Chaque parent explique ce qui l'a amené à rejoindre le groupe. Un fils violent, une fille anorexique ou ayant fait une tentative de suicide. Ce sont eux qui, parfois, pointent du doigt les « défaillances » d'un autre parent.

Celui-ci accepte plus facilement cette remise en question, dès lors qu'elle est suscitée par un autre parent et non par un médecin. C'est là tout l'enjeu du système.


Quand l'enfant refuse toute discussion avec ses parents, mieux vaut faire appel à une personne appréciée, un ami, un prof, un cousin. Pour Marguerite Charazac-Brunel, « il faut mettre en place, autour de l'enfant ou de l'adolescent, un réseau de sécurité ». Ce cercle saura peut-être le convaincre de rencontrer le médecin de famille, par exemple, qui pourra l'orienter vers un psychiatre ou un psychanalyste. 

«Cependant, déplore l'association Phare Enfants-Parents, les traitements, les séjours hospitaliers, ou même l'amour de ses proches, n'ont pas toujours raison de cette souffrance. La guérison semble parfois toute proche, accessible, les espoirs reviennent puis disparaissent à nouveau. Il faut bien l'admettre, certains suicides, bien que prévisibles, n'ont pu être empêchés ».

Contacts

Suicide écoute,

01 45 39 40 00 

Phare enfants-parents

01 42 66 55 55

Centre Abadie

05 56 79 58 69

Union nationale pour la prévention du suicide

01 40 20 43 04

Fil santé jeunes

0 800 235 236

« À l'inverse, conclut Marguerite Charazac-Brunel, certains enfants s'en sortent alors même qu'ils ont rompu tout lien avec leurs parents. J'ai accueilli en thérapie une jeune fille qui ne pouvait plus supporter les disputes de ses parents et qui a tenté de se suicider. Le dialogue étant impossible avec eux, je lui ai suggéré de trouver d'autres personnes à qui se confier. Des amis, devenus des " parents-relais ", grâce auxquels elle a, aujourd'hui, repris goût à la vie. »

Trop peu de structures d'accueil

En 1984, Jean-Alain, son fils de 18 ans, se suicide. Parce qu'elle ne veut pas que d'autres parents vivent le même drame, Thérèse Hannier fonde Phare enfants-parents. L'association propose une écoute téléphonique, organise des groupes de parole pour les parents dont un enfant s'est suicidé et réalise des guides3. Les avancées dans ce domaine étant encore faibles en France, elle se bat pour faire du suicide une priorité publique. En 199'7, elle prend part à la création d'un regroupement d'associations, l'Union nationale pour la prévention du suicide, qui organise, chaque année, une journée nationale le 5 février. Elle envisage aujourd'hui de créer un espace d'accueil pour les parents d'enfants suicidants à Paris. Un projet très attendu par les parents, qui déplorent le manque cruel de structures d'accueil pour eux comme pour leur enfant.

 Karen Jeffroy

Source : La revue des parents (juin 2003)

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 Dernière mise à jour :  dimanche 04 janvier 2004