La publicité à l'école 
 
Vers un enseignement sponsorisé ? La publicité est déjà présente à l'école : interventions thématiques ou distribution " kits pédagogiques " : les marques diffusent leur message publicitaire dans les salles de classe
 
Le Docteur Quenotte,
mascotte de la marque
Colgate, a déjà éduqué des dizaines
de millions d'enfants
à la santé bucco-
dentaire.
Faut-il conserver l'école comme un lieu fermé, destiné à dispenser un savoir, ou l'adapter aux évolutions de la société? Derrière cette interrogation manichéenne, se profile le risque de laisser le champ libre à un certain nombre de dangers qui, au nom de l'ouverture sur le monde, pèsent sur l'école. Entre une nécessaire adaptation et le risque de perdre ses valeurs fondamentales de transmission du savoir et de formation du citoyen, l'école balance. 
Par l'influence
qu'ils exercent
sur les achats fami- liaux, les enfants et adolescents repré- sentent une cible de choix pour les annonceurs.
Manque de législation, débats en cours : les acteurs du monde éducatif appréhendent peu à peu ces questionnements. L'école est un endroit privilégié, sur lequel beaucoup trouveraient leur intérêt à faire main basse. C'est à l'école que tous les enfants sont rassemblés, et le lieu tend à garantir la qualité des messages qui y circulent. En outre, le souci des parents d'assurer une bonne éducation à leurs enfants fournit une corde sensible à exploiter.
En répondant à des jeux-concours, les enfants fournissent
aux entreprises des
fichiers d'adresses
très utiles pour leur
démarchage.
Les entreprises ont vite compris que l'école et ses douze millions d'élèves étaient une poule aux oeufs d'or. « Dans les années 1950, déjà, les entreprises fournissaient des buvards avec leur logo, souligne Nelly Ruscassié, membre de l'association Résistance à l'agression publicitaire. Mais le phénomène s'est accru. Dans son rapport, « Les enfants, acteurs courtisés de l'économie marchande », remis en février dernier à Jack Lang, alors ministre de l'Éducation nationale, Monique Dagnaud, sociologue au CNRS et ancien membre du CSA, souligne cette aggravation. 
EDF a fait circuler dans les écoles une mallette pédagogique consacrée au nucléaire, qui était présenté uniquement comme une énergie propre. Elle s'appuie sur trois évolutions : l'élévation du niveau du pouvoir d'achat, le développement du temps libre et la focalisation sur les besoins et les désirs de l'enfant ; trois paramètres qui ont conféré aux jeunes une position pivot.

" Il y a quelques semaines, Nestlé nous a proposé une animation sur le petit-déjeuner, note un instituteur de la région nantaise. L'intervention se tenait au niveau pédagogique mais, à la fin, il y avait une distribution de produits de la marque. » Les actions de ce type sont fréquentes dans les écoles. Le Docteur Quenotte, mascotte de la marque Colgate, a déjà éduqué à la santé bucco-dentaire des dizaines de milliers d'enfants.

Un pourcentage conséquent des achats d'ordinateur intervient après qu'un enfant a appris à s'en servir à l'école.



Toujours sous couvert de pédagogie, ces interventions profitent du goût pour les marques qui traverse toutes les classes sociales. Consommateurs, les moins de dix-huit ans ont aussi un fort pouvoir prescripteur, puisqu'ils influencent près de la moitié des achats familiaux.

Déjà présentes dans les cours d'école grâce aux consoles de jeu ou au sportswear, les marques ont développé tout un arsenal de communication indirecte. Les entreprises proposent des animations, des fêtes. Surtout, de plus en plus de « mallettes pédagogiques » font leur entrée dans les classes. Des kits, allant des serviettes hygiéniques aux céréales, sont fournis gracieusement ou à prix réduit par l'entreprise, qui ne manque pas d'y apposer son logo. Et malgré l'interdiction légale de la publicité à l'école, ces partenariats sont souvent encouragés par les inspections académiques. Toucher les enfants, c'est aussi atteindre les parents. En répondant à des jeux-concours, les élèves fournissent aux entreprises des fichiers d'adresses très complets. Elles peuvent ensuite démarcher les parents, à l'aide de discours parfois très moralisateurs, arguant que l'achat de tel ou tel produit se révèle indispensable à la réussite de l'enfant.

Outre la publicité même, c'est toute une idéologie qui est parfois véhiculée au sein de l'école. Il y a quelques mois, EDF a fait une mallette pédagogique sur l'énergie nucléaire. « Que l'on soit pour ou contre n'est pas la question, note Nelly Ruscassié. Le problème, c'est que cela est présenté uniquement comme une énergie propre. C'est utiliser l'institution scolaire comme caution morale à ce message. » De même, les « masters de l'économie », créés par le groupe bancaire CIC, invitaient les élèves à gérer un portefeuille d'actions virtuel. Le but étant de le faire fructifier le plus possible en un minimum de temps. Beaucoup de parents d'élèves ignorent ces pratiques, ou n'en mesurent pas la portée.

Avec l'entrée de l'entreprise à l'école, c'est la question plus générale de la marchandisation des savoirs qui se pose. Une interrogation rendue pressante par les nouvelles technologies de l'information. On sait qu'un pourcentage conséquent des achats d'ordinateur intervient après qu'un enfant a appris à s'en servir à l'école. Surtout, dans le sillage de l'édition scolaire, quelques entreprises se sont d'ores et déjà saisies du marché lucratif des savoirs. Et il existe désormais sur Internet un véritable supermarché virtuel de l'école. Sur le site keepschool, on trouve l'exercice de maths pour douze euros, et un plan détaillé de dissertation pour huit de plus. Plus besoin de professeurs ni de salles de classe, une carte bleue suffit pour apprendre.

Au-delà de la commercialisation des savoirs et des remises en question des missions de service public qu'elle induit, c'est la notion même d'école qui pourrait être atteinte par ces pratiques.

Le Centre pour la recherche et l'innovation de l'OCRE a établi plusieurs projections pour l'école de demain. Deux d'entre elles prédisent la faillite du système scolaire traditionnel, qui deviendrait réservé aux exclus du numérique. Derrière ces scénarios catastrophes, c'est la mission de l'école qui se trouve interrogée : s'agit-il d'y former des citoyens ou des  travailleurs / consommateurs ?

L'avis de la FCPE : lutter contre la marchandisation

L'école a toujours intéressé les entreprises, non pas dans une perspective éducative mais simplement dans une logique marchande, en considérant les plus jeunes comme des consommateurs. Pour ces entreprises, il s'agit surtout que les enfants se familiarisent avec leurs produits, pour qu'ils deviennent prescripteurs auprès de leurs parents. Divers moyens sont utilisés : jeux, packs éducatifs, produits de démonstration... sous des habillages pédagogiques qui visent à la sensibilisation à la santé, à la nature, à des thèmes humanitaires ou à une initiation à la vie économique et sociale. Ces objets, souvent ludiques, captent l'attention des enfants. 

Face à ces stratégies, éducateurs et parente doivent être vigilants et faire prendre conscience aux plus jeunes de l'aspect manipulateur de ces opérations. C'est aussi au ministère de l'Education nationale d'être particulièrement attentif et de ne pas tolérer certaines pratiques, comme ce fut le cas avec le projet de concours organisé par TF1, qui constituait une véritable atteinte au principe de neutralité du service public.

Faride Hamana, secrétaire général

Judith Renard

Source : La revue des Parents (juin 2002)

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 Dernière mise à jour :  jeudi 26 décembre 2002