L'ado face à la pornographie 
 
L'impact de la pornographie sur les adolescents : entre fantasme et réalité, une influence difficile à mesurer. Un porno plus hard pour un public plus jeune : associations et politiques dénoncent cette situation, même s'il reste compliqué d'en prouver la dangerosité. 
 
Un sondage récent
montre que la moitié
des hommes seraient
favorables à une interdiction des films pornographiques à la télévision. Une opinion partagée par les trois
quarts des femmes.
Fini l'époque où l'on se contentait de lire Lui ou Playbay caché sous les couvertures. Technologie aidant, l'accès à la pornographie se fait facilement et de plus en plus tôt, parfois dès 10-11 ans, et, plus généralement, avant la première expérience sexuelle. Dans un rapport publié en mai 2002, le Collectif interassociatif enfance médias (CIEM), dont la FCPE est membre, s'inquiète de l'influence de la pornographie sur les jeunes. Le 2 juillet dernier, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) l'a suivi et préconisé l'interdiction de diffuser des films à caractère pornographique. 
L'aspect spectaculaire de l'acte sexuel montré
par le porno l'associe à des notions de performance.
Au début du mois de septembre, c'est Christian Jacob, ministre délégué à la Famille, qui estimait qu' •< il faut interdire les films pornographiques à la télévision (...) ». Et de rappeler la directive européenne Télévision sans frontières, qui demande aux chaînes de télévision de ne pas diffuser de programmes pouvant porter atteinte aux mineurs. 
Les écoutants de Fil
santé jeunes soulignent que les
questions posées par
les ados ont peu évolué depuis sept
ans, date de la création du service.
Même l'opinion publique semble partager cette position. Si l'on en croit un récent sondage, la moitié des hommes et les trois quarts des femmes seraient favorables à l'interdiction des films porno à la télévision. Si aucune décision n'a encore été prise dans ce sens, le débat sur l'influence du porno sur les jeunes est bel et bien ouvert.

« La collectionneuse », « 19 ans et gourmande »... Ces titres évocateurs circulent dans les cours d'école, et véhiculent un porno plus Nard qu'il y a quelques années.

L'âge moyen du premier rapport sexuel, situé autour de 17 ans, n'a pas changé depuis des années.  Certains s'inquiètent de l'impact de ces images sur la construction de l'identité sexuelle des adolescents. Des éducateurs, comme Benoît Félix, du Centre régional d'information et de prévention du sida d'llede-France, remarquent des références accrues au porno dans les propos des jeunes. <• 11 est beaucoup question de sodomie, récurrente dans ces films. Les jeunes complexent beaucoup parce qu'ils se comparent à ces images. Les filles sont souvent étonnées des demandes des garçons. Elles veulent savoir si c'est normal ou pas. » Même constat du côté de Fil santé jeunes. 

Un adolescent structuré subit peu l'influence de la pornographie, qui touche surtout ceux qui n'ont pas de repères suffisants.

 
« Certains ont du mal à faire la différence entre les films et la réalité, constate une psychologue de la ligne anonyme. Ils font des comparaisons sur l'éjaculation, qui est très spectaculaire dans les films. Les garçons sont inquiets parce que ça ne se passe pas de la même manière dans la réalité. » 

Faute d'autre référence, la découverte de la sexualité prend des allures de devoir, de performance.

Difficile cependant de parler d'une véritable modification du comportement sexuel des adolescents. " Le porno n'est pas omniprésent », souligne-t-on à Fil santé jeunes. « Depuis sept ans que la ligne est ouverte, le contenu des questions n'a finalement pas changé. Peut-être les mots sont-ils plus crus. Mais rien ne dit que les pratiques le sont tout autant. " Si les expressions crues et directes sont plus facilement lâchées, suffisent-elles pour que l'on s'inquiète de ces fantasmes d'adolescents ? « L'impact du porno se fait plus sur l'imaginaire que sur les comportements eux-mêmes, estime Alain Giami, psychosociologue, directeur de recherche à l'lnserm (institut national de la santé et de la recherche médicale). Or il y a beaucoup de fantasmes, surtout en matière sexuelle, qui ne se traduisent pas par des actes. Actuellement, il y a une négation de l'imaginaire, de ce monde des fantasmes.

Malgré la surenchère verbale, l'âge moyen du premier rapport sexuel (autour de 17 ans) n'a pas changé depuis des années. Et sous leurs airs bravaches, la plupart des adolescents sont restés fileur bleue. « La pornographie a peu d'influence sur un adolescent structuré. Elle touche surtout ceux qui n'ont pas de repères suffisants, constate Hélène Desmorat, médecin scolaire. Seule une minorité est concernée, généralement dans des classes difficiles. Certains n'ont pas conscience, par exemple, du degré de liberté de la fille. Mais les jeunes sont beaucoup plus sentimentaux qu'on ne le dit. Quand on leur parle seul à seul, ils confient que le plus dur, c'est quand leur copine les quitte. »

I1 reste impossible de faire une estimation de l'incidence de la pornographie sur l'ensemble des jeunes. D'autant plus qu'il n'existe pas, en France, d'étude scientifique sérieuse sur le sujet. Le débat repose donc sur des thèses, des opinions. Difficile, dès lors, de faire le lien entre la consommation de matériaux pornographiques et les comportements violents ou illicites. « 11 existe une tendance (dans les médias, entre autres) à confondre ce qui est illégal et ce qui est psychologiquement traumatisant. Mais c'est une erreur, souligne le philosophe Ruwen Ogien, directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique). I1 est illégal de ne pas payer ses impôts. Ce n'est pas parce que le percepteur risque d'être traumatisé psychologiquement ! 

Le voyeurisme ou l'exhibitionnisme sexuels, la diffusion de messages pornographiques sont illégaux et sévèrement punis par la loi lorsque les cibles sont mineures. Mais cette interdiction ne découle pas d'une étude établissant que, en dessous d'un certain âge, la consommation de pornographie est traumatisante à vie ou que les conceptions de la sexualité en sont durablement affectées. Si l'interdiction existe, c'est peut-être tout simplement parce que le législateur suit l'opinion publique ou l'état des moeurs, ce qui est vraiment tout autre chose que des résultats d'études psychologiques. »

Influence ou pas, menace pour les jeunes ou cristallisation des inquiétudes : la question n'est pas tranchée. Mais l'immense majorité des professionnels s'accordent à dire que, derrière ces questionnements, transparaît un déficit encore important en matière d'éducation sexuelle.

Contrôle parental et éducation aux médias

Il est difficile de mesurer l'impact d'une scène pornographique ou violente sur le comportement des adolescents. Cependant, pour certains d'entre eux, les plus vulnérables, les conséquences psychologiques peuvent les conduire à des comportements destructeurs. 

Le rôle des parents est bien de réguler l'accès à ces programmes, et de les interdire chaque fois qu'ils le jugent nécessaire en maintenant toutefois le dialogue avec l'adolescent. I1 convient, aussi, de refuser les valeurs implicites véhiculées par ces médias : images dégradantes et humiliantes de la femme, légitimation de la violence sous ses différentes formes. 

Cette démarche éducative doit être accompagnée par l'État. Elle pourrait être pilotée par la délégation interministérielle à la Famille, afin que les aspects sociaux, culturels, économiques et répressifs de la pornographie soient pris en compte. Pour construire une société où chacun respecte l'autre, nous devons refuser de nous soumettre à ces modèles d'adultes véhiculés par les médias.

Faride Hamana, secrétaire général

Judith Renard

Source : La revue des Parents (octobre 2002)

retour     

 Copyright ©  -Tous droits réservés - Conseil Local FCPE Brumath - mailto:fcpe.brumath@libertysurf.fr

 Dernière mise à jour :  jeudi 26 décembre 2002