Adolescents : jeux dangereux  
 
Ils défient la mort entre copains pour tester leurs limites et exister. L'Education nationale parle de cas rares. Pourtant, des enfants meurent chaque année en pratiquant des jeux dangereux. Décryptage.
 le jeu du foulard / le jeu de la canette / le jeu de l'aérosol / le jeu de l'autoroute
Ils jouent à s'étrangler pour goûter l'expérience des visions hallucinatoires. lis se rouent de coups pour tester leur résistance et faire partie de la bande. Ils inhalent des aérosols pour se déformer la voix et faire rire les copains. Dans les cours de récréation, certains enfants et adolescents tuent l'ennui en flirtant avec la mort. 

«Des petits meurtres entre amis », touchant particulièrement les garçons entre 11 et 15 ans et qui se pratiquent depuis les années 50. Mais ce n'est que le 9 octobre 2003 que le ministère de l'Éducation nationale a pris conscience qu'il était temps de donner l'alarme, via une circulaire adressée aux rectorats. Ce texte court a le mérite de dresser la liste des jeux dangereux (jeu du foulard, de la tomate, du rêve bleu...) et d'attirer enfin l'attention des chefs d'établissement. Mais il continue à entretenir le tabou en affirmant « qu'il ne faut pas en exagérer la diffusion, ni créer de psychoses ».

Dans le jeu de la canette, si l'enfant désigné comme victime ne la rattrape pas, il est roué de coups par les autres joueurs.

Cette suggestion, Françoise Cochet, présidente de l'Apeas (Association des parents d'enfants accidentés par strangulation), ne peut la partager. Elle qui aurait dû fêter cette année les 18 ans de son fils Nicolas, victime du jeu du foulard. Son association a déjà recensé 75 morts d'enfants âgés de 7 à 18 ans. Le premier cas remonte aux années 50. Grâce aux messages de prévention lancés dans la presse,l'APEAS estime avoir fait baisser de moitié les décès causés par ces pratiques dangereuses. Elle a comptabilisé, de 2000 à 2002, une moyenne de 14 décès par an. Pour l'année scolaire 2002-2003, le chiffre est descendu à 7. 

Cette démarche d'information par l'intermédiaire des médias va à l'encontre du point de vue de Jean-Michel Croissandeau, inspecteur général de l'Éducation nationale, qui indiquait dans un rapport publié en janvier 2002 que « certains médias jouent un rôle particulièrement négatif en faisant croire que cette pratique est générale, alors qu'elle est extrêmement marginale, dans un souci commercial évident ».

Contact

APEAS : Association pour les parents d'enfants accidentés par strangulation 

http://membres. lycos.fr/apeas/

 

Ces rites initiatiques ne sont pas le fait déjeunes isolés, contredit encore Thierry Goguel d'Allondans, anthropologue à la faculté de Strasbourg et responsable d'une enquête réalisée sur les conduites à risques des adolescents. Et s'ils concernaient auparavant des milieux sociaux en difficulté, ils touchent depuis trois ans des enfants issus de familles aimantes, structurées et socialement intégrées. Une évolution qu'il explique par plusieurs hypothèses. «Dans notre société moderne, il n'existe pas de rites de passage dans le monde des adultes. Alors, les jeunes se bricolent eux-mêmes des rites insensés. » Pour étayer son argument, l'anthropologue avance l'exemple du peuple peul d'Afrique qui acceptera qu'un jeune garçon devienne père s'il est capable de supporter les coups. Une cérémonie similaire au jeu de la canette.

I1 s'agit, en fait, d'ordalies modernes : se confronter à la mort pour donner une plus-value de sens à leur vie. Jean-Claude Fisher, psychiatre au centre pour ados Futur antérieur (Embrun), insiste également sur cette idée que «les enfants morts du jeu du foulard ne sont pas suicidaires, qu'ils tutoient la mort pour se sentir tout-puissants, mais sont pris à leur propre piège ». Thierry Goguel d'Allondans pousse l'analyse encore plus loin : «S'ils mettent leur vie en danger de cette façon, c'est parce que, dans un monde où tout semble leur échapper, ils veulent montrer qu'il reste une chose qui leur appartient encore et dont ils peuvent faire ce qu'ils veulent : leur corps.» Un sentiment extrême qu'une jeune fille a lancé au visage de sa mère : «Je ne suis plus la chair de ta chair. Je fais ce que je veux de mon corps. »

Biblio :

" Nos enfants jouent à s'étrangler... en secret " Françoise Cochet, Editions F.X. de Guibert, 2001

" À ce soir maman ! On ne va pas à l'éco1e pour mourir" , Magali Duwelz, Editions F.X. de Guibert,

Le jeu du foulard

Appelé aussi rêve indien, rêve bleu, grenouille, jeu des poumons, coma, cosmos, jeu de la tomate, jeu de la serviette.
Principe : provoquer un évanouissement par strangulation, ce qui entraîne une diminution de l'irrigation du cerveau en oxygène.
Risques : séquelles neurologiques irréversibles, voire mort par étranglement.
Sensations recherchées : sensations planantes, des hallucinations, des orgasmes.
Lieu : initiation au jeu entre copains, à l'école, dans les clubs de sports, en colo... Il peut s'agir d'une expérience unique, mais les enfants sont parfois tentés de la renouveler seul, chez eux, avec un lien.
Signes d'alerte : traces sur le côté du cou, maux de tête à répétition, pertes de concentration ou rougeurs au visage, présence de corde, de foulard, de ceinture dans la chambre de l'enfant.
À noter : de tout niveau social, les joueurs sont très souvent curieux, intellectuellement précoces et avides de nouvelles expériences.

Le jeu de la canette

Principe : au sein d'un cercle de joueurs, une canette de soda est lancée. Si l'enfant désigné comme victime ne la rattrape pas, il est roué de coups par les autres joueurs. Un enfant qui est victime un jour peut, à son tour, être bourreau le lendemain. On recense plusieurs variantes de ce jeu, notamment dans le mode de sélection de la victime : le bouc émissaire, la mort subite, le petit pont ou la mêlée, le jeu du jugement ou des juges ou encore la cagoule.
Risques :fractures, séquelles neurologiques, voire mort si les coups atteignent des parties vitales ou si l'enfant est étouffé.
Sensations recherchées : mettre à l'épreuve sa force et exprimer sa supériorité.
Lieu : en groupe, à l'école, dans les clubs de sport.
Signes d'alerte : hématomes fréquents sur le corps ou le visage, vêtements déchirés...
À noter :sentiments d'humiliation, de honte et de mauvaise estime de soi très présents tant chez les victimes que chez les leaders qui ne se respectent pas et ne respectent donc pas les autres. Beaucoup ont des difficultés verbales et utilisent la force pour s'exprimer. Ces jeux leur servent de défouloir, mais cachent aussi des jalousies.

Le jeu de l'aérosol

Principe : inhaler le produit contenu dans un aérosol afin de se déformer la voix.
Risques : oedème pulmonaire provoquant la mort s'il y a inhalation d'une grande quantité de gaz.
Sensations recherchées : amusement. On parle «bizarrement» pour faire rire ses copains.
Lieu : à l'école ou à la maison, l'important étant d'être entre copains.
Signes d'alerte : présence d'aérosol dans la chambre de l'enfant.

le jeu de l'autoroute

Dans un tout autre genre, le jeu de l'autoroute a une issue très souvent fatale à l'enfant. Son principe : traverser l'autoroute en courant par défi, pour prouver à ses copains qu'on en est capable.

Lorsque le jeu s'est produit dans l'enceinte scolaire, l'établissement peut prendre des sanctions disciplinaires contre le ou les enfants ayant participé au jeu. En cas de décès de l'enfant, l'agresseur ou l'étrangleur, dans le jeu du foulard, peut être également poursuivi devant la justice pour homicide involontaire, et les enfants ayant assisté au jeu, pour non-assistance à personne en danger ou atteinte à l'intégrité physique.

Karen Jeffroy et Alexandra Defresne 

Source : La revue des Parents (décembre 2003)

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 Dernière mise à jour :  dimanche 15 février 2004