Du "tais-toi et mange ta soupe" au fameux  "il est interdit d'interdire" des années 68, existe-t-il un juste milieu qui permette d'éduquer ses enfants sans en faire des personnes ni trop soumises ni complètement désorientées? Est-il encore possible d'être un parent respectable sans culpabiliser de poser des interdits, ni fuir ses responsabilités ?

Telles sont, pour résumer, les deux questions majeures auxquelles, dans notre rôle de parents, nous nous heurtons dans cette époque de transition qui est revenue de l'autoritarisme (ou abus de pouvoir) et de la permissivité (ou refus de fixer des limites).

Car, comme le souligne le juge Alain Bruel, auteur d'un rapport sur  la paternité , "le père a été déchu de sa toute puissance. Le renversement du pouvoir monarchique qui agissait comme un modèle dans la cellule familiale, l'émancipation des femmes (la notion « d'autorité parentale » n'ayant remplacée celle de « puissance paternelle » qu'en 1970) et la reconnaissance des droits de l'enfant (i989) ont bouleversé les conditions de l'exercice de l'autorité. Facteurs de progrès, ces évolutions sont aussi des facteurs d'incertitude qui fragilisent les parents."

Autrement dit, ce qui était hier incontestable - les ordres du père- fait l'objet aujourd'hui de toutes les suspicions. Mais cela n'a pas pour autant été remplacé par une conscience et une pratique claires des devoirs que nous devons assumer qu'en tant que parents.

"Renoncer à la toute-puissance ne veut pas dire renoncer à l'autorité, poursuit le juge. Mais force est de reconnaître qu'un certain contexte - chômage, exclusion sociale, fin de la transmission des métiers et des savoir-faire, multiplication des relais et des références (télévision, nouvelles technologies, mais aussi école, copains...) - n'a pas facilité la transition vers une autorité sûre de son bon droit. "

Laurence Seugé - Vies de famille (février 2003)